Isabelle et le vélo

La fin de l'année fut marquée par deux attaques violentes. L'assureur MMA propageait l'idée que nous n'étions que des délinquants cherchant par tous les moyens à avoir des accidents. Le conseil national de la sécurité routière proposait de baisser le montant de nos amendes, et de nous en refiler un peu plus, et de nous inciter à porter un casque. Dans les deux cas, communiqué pris pour argent comptant, rédaction de titres accrocheurs, ça sentait la curée.

A la même époque, les 50 habitants du Mont Saint-Michel s'arc-boutaient contre une invasion de cyclistes estrangers qui auraient l'outrecuidance de vouloir poser leurs bicycles pour quelques heures dans leur ancestrale propriété. Il a fallu rouvrir les douves et interdire le pont en bois à leur passage. Seuls les touristes transportés par cars spéciaux et les manants en charrette hippomobile sont autorisés. La petite corporation cycliste locale demande l'intercession de la grande prêtresse de Paris, laquelle les fait recevoir par un fantôme, qui ne les voit pas. Alors ne reste que le recours à la justice. 900 € pour commencer, msieurs-dames. Sans aide d'aucun de ces cyclistes estrangers ? La procédure est engagée. (Tiens, comme c'est bizarre! L'affaire dure depuis au moins 3 ans, mais la sous-préfète reçoit l'association ... demain matin 29 décembre 2014 pour la première fois!!!).

A la fin de l'année nous apprenions aussi la fin de la «mission» des véloroutes et voies vertes, et la prolongation de la «coordination» interministérielle du vélo jusqu'au lendemain de la rencontre mondiale du vélo qui pour la seconde fois aura lieu dans «Le pays du vélo». Dès qu'ils auront le dos tourné, bonnes vacances, bonne retraite cher monsieur Lebrun, et en avant pour le Sommet de la Terre, revenons aux choses sérieuses, comme ils disent. Plus de vélo, on les a assez vus ! 

Bonnes vacances, mais les trains de nuit disparaissent, et la possibilité d'emporter son vélo avec.

Les affaires du vélo vont plutôt mal en France. Plusieurs fois les députés ont crié victoire par communiqué de presse interposé, c'était gentil mais sans utilité tant que sénateurs puis fonctionnaires ne finissaient pas le travail. Ils ne l'ont pas fini.

A la fin, les trois patrons des parlementaires pro-vélo se fendaient d'une lettre au secrétaire d'Etat, ainsi résumée: qu'avez-vous fait du PAMA ? Comment ça se fait que le vélo n'apparaisse pas dans le projet de loi sur la transition énergétique ? Attention à ne pas mettre aux oubliettes l'indemnité kilométrique vélo et la construction de parkings à vélos. Merci de penser à inciter les boîtes à avoir des vélos de fonction. Comme ce n'était ni une demi-victoire ni une rengaine, il n'y a pas eu de communiqué de presse.

Il est pourtant bien vrai que le projet de loi sur la transition énergétique ne contient même pas le mot vélo, préférant celui de "véhicule électrique" qui pourtant ne lui est pas synonyme.

La conférence environnementale, qui fixe un programme gouvernemental pour 2015 en matière de transition écologique, évoque pour le vélo deux mesures réglementaires "à prendre", concernant le partage de l'espace. Créer des zones piétons-vélos et « respect des espaces réservés aux piétons et cyclistes, position du cycliste sur les voies, adaptation des règles de signalisation, généralisation des zones à circulation apaisée... » … Cela ne semble pas très déterminant pour faire passer la population du fauteuil au mollet !!!

En avril le CREDOC évoquait l'émergence d'une «frugalité choisie» assez poétique, et interrogeait les Français : par rapport à il y a six mois, diriez-vous que vous utilisez moins, pareil ou plus... «votre» voiture, les transports en commun, ou la marche à pied ? Lecteur, je te fais grâce de l'explication de texte, voici le texte entier (pdf) !!!! On peut d'ailleurs se demander si le titre du graphe n'est pas un peu tiré ...  

En mars les programmes pour les élections municipales ne disaient pas grand'chose pour le vélo, ou en parlaient mal. 

Et juste après, Toulouse, Saint-Avold, Angers, Thionville, Rouen, la Roche sur Yon, Evreux, Béthune, Roubaix... redonnaient à l'automobile toute la place que lui avaient piquée ces salauds de piétons et cyclistes.

La madonne Ségo, ministre de l'Ecologie et toute de bleu désormais vêtue, est la risée nationale lorsqu'elle parle de vélo. Chochotte a peur de tomber. Pour elle, transport durable ça veut dire borne pour recharger les batteries. Pan sur le bec, l'obligation de mettre des prises de courant a déjà disparu pour les garages à vélos. Ça fait longtemps qu'on la connaît ...  

Et pourtant...

Si rien ne se passe à Paris, au sens national, la ville  en voit de belles, au sens parisien. 8 % des déplacements boulot-dodo s'y font désormais à vélo, nous dit-on. C'est entre 1991 et 2001 que ça a basculé. Juste avant le changement de majorité à Paris. Remarquez, ça ne fait que 8 vélos pour une boîte de 100, et ça fait encore loin des 15% totaux que croit atteindre en 5 ans la nouvelle maire de Paris.

Mais si rien ne se passe dans les bureaux, c'est le triomphe dans les kiosques ! 2 nouveaux journaux se spécialisent rien que sur le vélo, le mien comme le votre. Une émission de radio se démultiplie pour parler encore plus de vélo, un web magazine se créé ... et il est tout au féminin !  

Cette année sont parus aussi les deux meilleurs livres sur le vélo depuis 1929, je crois bien. Celui d'Olivier Razemon et celui de Frédéric Héran (1). La Monnaie de Paris édite des sous à la gloire du vélo, le tribunal de Marseille donne raison aux cyclistes, l'INSEE osera enfin en janvier demander si l'on va à vélo, Capitaine train vend les billets de train+vélo, les départements se dé-carcassent pour créer véloroutes et voies vertes magnifiques, deux sites diffusent des itinéraires permettant de sortir de Paris (faute de voies vertes ... je vous en parle dès qu'il fait beau) ...

La France mérite de plus en plus sa réputation de pays où l'on compte fleurette … Mais c'est une Française qui est la championne du monde de vélo. Barbara Buatois roule à presque 120 km à l'heure. Elle explose les records masculins. Je vous parle souvent des véhicules à propulsion humaine, solution pour la mobilité dans nos agglomérations distendues. J'ai 1000 fois raison.

 

Les économistes, je crois, le disent : l'adaptation aux changements se fera par la base. Comme la chute du mur de Berlin. Le vélo est une contre-culture : pacifique, efficace, et «soutenable», comme dit un mien ami, professeur de finance. Il n'a donc que peu de chances de s'imposer ? Que chacun voit clair et loin, que chacun fasse ce qu'il doit ...

(1) Trois livres essentiels parus cette année :
Olivier Razemon : Le pouvoir de la pédale
Frédéric Héran : Le retour de la bicyclette
ainsi que : Le vélo pour les Nuls.

Pour "1929" j'offre une carte des pistes cyclables du 15° arrondissement de Paris à qui donne la bonne réponse. 

(Image ajoutée après obtention de la quasi bonne réponse)

Sans le secours de gouvernants éclairés, le vélo n'a plus qu'à se battre seul contre l'absence de culture, la niaiserie, la malhonnêteté et les flammes du repli sur soi. Qu'un simple épicier ose seulement s'implanter à l'entrée du parking à vélos qui se trouvera au pied du Mont Saint-Michel, et il fait fortune sous le nez des vendeurs de breloques dont aucun cycliste, certes, ne veut encombrer ses sacoches ! IsL.

Vous pouvez lire aussi : 2014, quelles avancées nationales pour le vélo utilitaire ? rédigé par la FUB et publié par Actuvelo.

Vous pouvez aussi vous tourner vers l'avenir, et repérer les occasions de vous faire entendre ! Et ce blog n'est pas fini ... Bonne année, et vive le vélo ! 

Un remerciement spécial à Sam de Nantes, il sait pourquoi.